vendredi 17 juin 2011

Léonora Galigaï, des arcanes du pouvoir à l'échafaud. 1571-1617

De son véritable nom Léonora Dori, mais appelée généralement du nom de Galigaï, nous allons aborder dans cet article un personnage sombre de l'Histoire de France. Cette femme, haïe de son vivant, née vers 1571 à Florence, en Italie, était l'amie d'enfance et la dame d'atour de la reine Marie de Médicis. On se souvient d'elle pour deux raisons principales : elle aurait eut une forte influence sur l'épouse d'Henri IV, et aurait dilapidé avec son époux Concino Concini, maréchal d'Ancre, le royaume de France pendant la régence précédent la majorité du roi Louis XIII. Lorsque ce dernier arriva au pouvoir, Léonora fut accusée de sorcellerie et son époux fut assassiné. L'historiographie nous a généralement laissé le portrait d'une femme calculatrice et impitoyable, qui aurait eu une influence néfaste sur Marie de Médicis et sur le royaume de France. Seul Richelieu, dans ses Mémoires, lui reconnaît une grande intelligence et un grand courage lors des derniers instants de sa vie (soulignons cependant que Concino Concini, époux de Léonora, participa à l'élévation du cardinal). Qu'en est-il donc réellement de celle que l'on surnomme couramment la Galigaï?


                       Léonora Galigaï par François Quesnel, musée de Rennes

Léonora Dori est née à Florence vers 1571. Elle grandit à partir de 1584 au palais Pitti avec Marie de Médicis, fille du grand duc de Toscane. Léonora fait alors office de camarade de jeu et de dame de compagnie auprès de la princesse. Ses origines sont mal connues. Bien que possédant le nom de Galigaï, celui d'une famille de la noblesse florentine, il semblerait que Léonora soit en fait la fille d'un menuisier français, Jacques de Bastein, et de l'Italienne Catherine Dori.

D'après les témoignages de ses contemporains, Léonora n'est pas belle. Le portrait de François Quesnel, la représentant nous montre une femme aux cheveux sombres, mais dont les traits du visage sont fins et assez agréables. Par laide, il faut sans doute comprendre que Léonora, mince et de petite taille, ne correspond pas aux critères de beauté de l'époque, où l'on apprécie la blondeur et les femmes en chair, comme Marie de Médicis notamment.



                                 Marie de Médicis, par François Pourbus, 1610


Lorsque Marie Médicis épouse le roi Henri IV en décembre 1600, Léonora la suit en France. Lors du voyage, elle fait la rencontre d'un certain Concino Concini (1575-1617), issu de la noblesse italienne et tombe sous son charme. Ce dernier posséde alors une réputation d'aventurier et d'homme sans scrupules, raison pour laquelle Marie de Médicis voit d'abord d'un mauvais oeil cette iddyle.

A la Cour de France, Léonora devient la dame d'atour de Marie de Médicis. Elle est ainsi chargée de l'habillage et de la coiffure de la reine. Cependant, Henri IV n'apprécie pas beaucoup la suivante de son épouse, qui ne possède pas d'origines nobles. Ceci change lorsque Léonora épouse Concino Concini, intégrant ainsi la noblesse.

Installée au Louvre dans un appartement de trois pièces (qui communique avec ceux de Marie de Médicis), Léonora dispose de revenus confortables. Comme le mariage avec Concino s'est effectué sous le régime de la séparation de biens, la jeune femme dispose d'une grande fortune. Elle achète notamment l'hôtel particulier de Picquigny, rue de Tournon, qu'elle fait entièrement réaménager par l'architecte italien Francesco Bordoni.

Leonora a conservé son amitié avec Marie de Médicis, elle demeure sa confidente. D'où une influence qu'elle exercerait sur la reine selon ses détracteurs. Car Leonora et son époux Concino (surintendant de la Maison de la reine) ne sont pas populaires, loin de là. La Cour n'apprécie pas la présence de ces Italiens qui font fortune en France. De plus, si Léonora est une femme discrète, solitaire (elle fréquente très peu la Cour) et qui ne vit pas au dessus de ses moyens, son époux passe en revanche pour un homme prétentieux et arrogant, qui ne manque pas de faire étalage de ses richesses.


                                                         Concino Concini

Léonora aura deux enfants de son mariage : Arrigo (1603-1631) et Camilla (1608-1617).
Cependant, de santé fragile, elle supporte mal le climat de la France. Elle est de plus sujette à de violentes crises que médecins, prêtres et exorcistes ne parviennent pas à chasser. On sait aujourd'hui que la jeune femme souffrait vraisemblablement d'épilepsie. Ce qui en plus de l'isoler, suscita sans doute une plus grande méfiance de ses détracteurs à son égard.

Après l'assassinat d'Henri IV par Ravaillac en mai 1610, la régence fut assurée par Marie de Médicis, en attendant la majorité du futur Louis XIII. C'est à partir de cette période que Concino Concini apparaît comme le favori de la reine. Son ascension est flugurante, puiqu'il devient marquis d'Ancre, premier gentilhomme du roi, puis maréchal de France à partir de 1613. Son influence politique est grandissante, et attise la jalousie de la noblesse française, en particulier celle du duc de Luynes. C'est toutefois grâce aux époux Concini qu'un dénommé Richelieu consolidera son ascension politique.

Qu'en est-il donc de l'influence de Léonora sur Marie de Médicis? L'imagerie populaire nous la montre intriguante et dictant ses moindres volontés à la reine. Or, contrairement à son époux, Léonora fait preuve d'une grande discétion. Si elle intercéda probablement en faveur de l'ascension politique de Concino pendant la régence de la reine, il est en revanche très incertain qu'elle ait eu une influence en matière de politique au niveau du royaume. On peut également affirmer que l'impopularité des Concini était sans doute due à une forme de mépris de la noblesse de la Cour envers leurs origines italiennes -La méfiance envers des étrangers aussi proches de l'entourage de la reine et du pouvoir- mais aussi envers leur ascendance sociale. Léonora est on l'a vue, probablement fille de roturiers, alors que Concino est issu de la petite noblesse italienne. Rien à voir donc avec les grandes familles de la noblesse française.


Lithographie du XIXe siècle représentant Marie de Médicis et les époux Concini

Méprisés par la noblesse, les époux Concini le furent également par Louis XIII, qui ne supportait pas les favoris de sa mère. Il faut dire que ni Concino, ni Léonora ne prirent la peine de s'attirer l'amitié du futur roi de France. Une erreur de jugement qui leur coûtera cher. Petit à petit, Louis XIII, qui arrivait à la majorité, envisageait de se débarasser de Concini. Il élabora alors un complot avec l'aide de plusieurs fidèles, tels que le duc de Luynes et le baron de Vitry, visant à assassiner le maréchal d'Ancre. Il faut cependant préciser que Louis XIII envisageait surtout d'accéder au pouvoir et de mettre fin à la régence de sa mère, ce qui ne pouvait se réaliser que par la mort de l'un des hommes les plus puissants du royaume.

L'assassinat de Concino eut lieu dans la cour du Louvre le 24 avril 1617, d'un coup de pistolet tiré par le baron de Vitry. Son cadavre fut ensuite exhumé de sa tombe par les Parisiens pour être traîné et mutilé dans les rues de la capitale. Marie de Médicis, recluse dans ses appartements du Louvre, fut exilée au château de Blois. Quant à Léonora, n'ayant aucunement bénéficié de la protection de sa maîtresse, elle fut emprisonnée, à l'initiative du duc de Luynes, qui comptait récupérer les fonctions et les biens des époux Concini. Léonora se retrouva donc abusivement accusée de sorcellerie. Transferée à la Bastille, puis à la Conciergerie, son procès s'ouvrit en mai 1617. Elle fut notamment accusée d'avoir ensorcelé l'esprit de la reine. Quant on lui demanda les moyens qu'elle utilisa pour parvenir à ses fins, elle répondit tout simplement la chose suivante : « Je ne me suis jamais servi d'autre sortilège que de mon esprit. Est-il surprenant que j'aie gouverné la reine qui n'en a pas du tout ? »

Sans surprise, Léonora fut condamnée à mort. Elle monta à l'échafaud en place de Grève le 8 juillet 1617. Elle fut décapitée par l'épée avant que son corps ne soit brûlé. L'ancienne confidente et favorite de Marie de Médicis fit alors preuve d'un grand courage. Richelieu l'évoque dans ses Mémoires :

"Son courage aussi constant et ferme comme si la mort lui eût été une récompense agréable et que la vie lui eût tenu lieu d'un supplice cruel. Le cœur le plus envenimé ne put se tenir de fondre en larmes; de sorte qu'il est vrai de dire qu'elle fut autant regrettée à sa mort qu'elle avait été enviée durant sa vie. La seule vérité m'oblige à faire cette remarque, et non aucun désir de favoriser cette femme aussi malheureuse qu'innocente".


                           Exécution de Léonora Galigaï, gravure du XVIIe siècle

Léonora est un personnage des plus ambigus : Sa personnalité d'une part est fascinante, car celle décrite comme une intrigante sans scrupules et avide de richesses n'en démontra pas moins un courage admirable lors de son exécution. C'est probablement cette force de caractère qui lui permit sa formidable ascension sociale. Etrangère, femme de basse extraction, sorcière pour ses détracteurs, on ne peut pourtant que saluer son charme, son intelligence et sa vivacité d'esprit qui lui permirent sans nul doute de mener une vie bien au-delà de ses espérances.

1 commentaire:

  1. Bonjour, Une Bibliographie est-elle disponible pour le logis qui était situé au niveau de la rue de Tournon?

    Merci.

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